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Lucille la luciolle
4 octobre 2010

CHAPITRE 4 - QUAND LUCILLE ARRIVE EN VILLE-

 

 

Le temps est à l’orage, il fait très lourd et le ciel ne se décide pas à lâcher un peu de son eau pour rafraichir la population. Devant un immeuble cossu de Paris deux femmes discutent de la météo. Une longue voiture noire de marque Mercedes s’arrête le long du trottoir, mouillée d’avoir été lavée.

 

Lucille en sort. Ses lunettes en carton sur le nez, avant que Jules le chauffeur n’ait eu le temps de lui ouvrir la porte, parce qu’il est en train de se disputer à mots couverts au téléphone. Un téléphone d’extraterrestre pour Lucille qui n’avait jamais vu d’oreillette aussi moderne auparavant. Un instant elle a même cru qu’il parlait tout seul. Puis elle a pensé qu’il lui faisait la conversation, alors elle l’a ignoré ouvertement pour finalement s’apercevoir que c’est lui qui l’ignorait totalement puisqu’il s’adressait à quelqu’un d’autre. Ah vraiment quel mufle !

 

Lucille tire sèchement sa petite valise coincée dans la portière en pestant. Sa besace pendue en bandoulière participe à la gêne. Mais Jules ne prend toujours pas le temps de l’aider à cause de la visière de sa casquette qui lui tombe maintenant sur les yeux. Tandis qu’il la soulève d’une pichenette, Lucille relève sur son nez ses lunettes bicolores 3D en carton qui cachent à peine sa mauvaise humeur. Apparemment on lui raccroche au nez, alors Jules range son téléphone-oreillette, agacé il marmonne quelque chose à Lucille par la vitre qui s’ouvre quasiment sans bruit et s’en va garer la voiture en la laissant seule sur le trottoir. Enfin, seule, c’est vite dit.

 

Lucille, du haut de ses « presque » 12 ans, a une allure de chat mouillé. Ses cheveux châtains bouclés sont ébouriffés. Sur ses joues, les larmes écrasées pendant le voyage se sont mêlées à la poussière de sa chère campagne et dessinent des ailes. Sa chemise froissée descend jusqu’à ses cuisses et recouvre presque totalement son vieux short en jean qui s’effiloche. Ses longues jambes de sauterelle ont les genoux et les tibias couverts des croutes de ses chutes répétées lors de ses courses folles avec son chien. Sur ce trottoir parisien, elle à l’air un peu perdue et abandonnée.

 

Les deux femmes se tournent vers elle avec beaucoup de curiosité. Une d’elle tient un balai brosse sur lequel elle prend appui de ses mains qui portent des gants de ménage bleu turquoise. La seconde, une vieille dame aux cheveux violets, tient un chiot au bout d’une laisse neuve et toute aussi colorée. La Gardienne se présente en parlant à toute vitesse. Lucille voudrait rentrer dans l’immeuble mais cette femme bavarde l’interpelle et insiste pour lui présenter Mme Dumont, la dame au chien. Depuis la double porte de l’immeuble arrive alors un garçonnet. Elle le lui présente aussi.

 

- Et voilà notre Petit Gustave.

 

À travers ses lunettes, tout ce petit monde apparait à Lucille quelque peu déformé. Mais le chiot est superbe et rigolo à coté des trois êtres humains dont les traits sont caricaturés et déformés à l’excès. Lucille commence par se présenter au chien. Elle lui flatte la tête et les cotes de la main

 

- Bonjour boule de poil ! Ce que tu es mignon… Comment tu t’appelles ?

 

Le chien répond en jappant OUAF ! Lucille se redressant à moitié, rencontre le regard fixe du Petit Gustave.

 

- C’est un joli nom ! Moi je suis Lucille ! elle attend une réponse du garçon qui ne vient pas puis elle enchaine pour faire la conversation… Je viens m’installer dans cet immeuble !

 

Lucille s’adresse maintenant à la Gardienne et le Petit Gustave en profite pour jouer avec le chiot.

 

- … Je suis la petite-nièce de tante Agathe !

 

- Mais oui, mais oui. Bonjour ma jolie ! Nous t’attendions…

 

Le Petit Gustave la regarde sans rien dire. Un instant interrompu dans son jeu de «cours après moi… que je t’attrape » avec le chiot, il recommence son manège. Mais l’animal s’étrangle sèchement chaque fois que la pauvre bête découvre et apprend les limites de la laisse que tient Mme Dumont avec fermeté. La gardienne est très à l’aise tandis que Mme Dumont est exaspérée par le chiot qui enroule maintenant sa laisse autour de ses jambes. Elle pousse des petits cris de souris en tournant sur elle-même pour tenter de se libérer. Lucille tente elle, d’échapper au babillage de la Gardienne qui lui parle comme si elles s’étaient toujours connues. Et comme elle a grandit, et comme elle belle, et comme Agathe va être contente, et comme, et comme… Lucille tente d’accéder à la porte mais la Gardienne la retient par la main. Lucille est très étonnée et regarde, tétanisée, cette main qui enferme la sienne. Elle n’a pas le temps de dire quoique se soit que cette main la lâche et lui indique le dernier étage de l’immeuble du doigt.

 

- …Tu la trouveras tout en haut ! Tu as toutes les chances de l’y trouver… Tu sais qu’elle ne sort jamais. Puis s’adressant à Madame Dumont.

 

- N’est ce pas Madame Dumont ? !

 

- Oh ! Moi, je ne l’ai jamais comprise !

 

Cette réflexion entraîne la reprise de la conversation entre les deux femmes qui commentent cette vie de recluse en ignorant la présence de Lucille qui aimerait découvrir quelques éléments sur cette tante qu’elle ne connait pas. Entre temps le chiot s’est enroulé autour des jambes de Mme Dumont et manque de la faire tomber. Elle se démêle tant bien que mal de la laisse et attrape, puis tient le chiot par le collier, qui l’étrangle à moitié, sans perdre le fil de la conversation.

 

- Etonnant ce choix de vie ! Comment peut-on rester enfermée ? dit-elle.

 

- … Ah ça ! répond La Gardienne.

 

Le Petit Gustave se désintéresse du chiot avec lequel il ne peut plus jouer. Il compose le code d’entrée et entre dans l’immeuble. La gardienne maintient la porte du manche de son balai pour laisser le passage à Lucille tout en continuant de papoter avec la vieille dame qui tient toujours le pauvre chiot par son collier. Elle indique de nouveau le dernier étage à Lucille qui fait comme si elle n’avait pas entendu, très intéressée par le digicode. Elle se glisse dans l’ouverture de l’immeuble en grognant de nouveau après sa valise, qui de nouveau, s’est coincée.  Cette fois, c’est dans le chambranle de la porte. La lourde porte se referme derrière elle et les deux dames s’offusquent de son manque d’éducation.

 

- Même pas un merci ! Aussi aimable que la tante ! 

 

Le chiot lâché par sa maitresse après que les deux enfants soient entrés, entoure sa laisse autour de leurs jambes à toutes les deux. Si bien qu’elles tournent sur elle-même pour éviter de se retrouver coincées. Un demi-tour à gauche et un demi-tour à droite. On dirait qu’elles dansent lentement en équilibre sur un poteau. Ce qui ne les arrête pas dans la suite de leurs commentaires. Elles font mine de s’inquiéter pour cette petite qui débarque chez cette vieille tante si autoritaire, comme la décrit Mme Dumont qui en tirant plusieurs fois nerveusement sur la laisse du chiot les emprisonnent un peu plus.

 

 

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